On oublie trop souvent que l’écriture a été pendant des siècles omniprésente dans la peinture. Si l’invention de l’imprimerie a eu pour conséquence de circonscrire les territoires de l’une et de l’autre, elle n’a pas pour autant chassé les anciennes connivences… – Comment les artistes racontent sans paroles ?
1 – Le message sacré à la Renaissance
2 - La lettre d’amour du XVIIème au XIXème siècle
Les métamorphoses d’Ovide s’imposent dans l’art occidental comme la source iconographique mythologique qui a profondément pénétré l’imaginaire des artistes. La force évocatrice des écrits et célèbres métaphores du poète a nourri les artistes depuis le Moyen âge et constitue une source essentielle de notre culture.
A la Renaissance, les peintres utilisaient « des glacis transparents », pour donner à la surface l’aspect lisse et brillant du miroir. Au cours du XIXème siècle, Delacroix d’abord, puis les impressionnistes, vont utiliser la couleur pour « faire lumière dans leurs paysages » par une touche expressive et personnelle qui deviendra véritablement « signature de l’artiste ».

Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872, musée Marmottan, Paris.
Le paysage est une source universelle d’inspiration pour les artistes et la peinture début de siècle en témoigne largement. Mais à la fin des années soixante, les artistes du Land Art cessent de le représenter, intervenant directement dans la nature. Ils réutilisent ses codes, son fonctionnement interne : la croissance, les saisons, les rythmes naturels, les formes présentes dans un paysage ou une simple feuille etc.

Robert Smithson, Spiral Jetty
Le paysage a longtemps été discret dans les tableaux, s’effaçant au profit des personnages du premier plan. Sa représentation est soumise aux lois de la perspective, et l’artiste doit corriger les effets de nature en vue de produire un paysage idéalisé. Au XVIIème siècle, les hollandais vont prôner une vision plus réaliste du paysage, esthétique qui sera reprise en France par l’école de Barbizon puis les Impressionnistes. Ils iront peindre « sur le motif » en faisant de la nature le sujet principal de leur tableau.

Théodore Rousseau Chênes à Apremont (1852) Musée d’Orsay.
Couleur du feu des enfers ou du sang du Christ, la couleur rouge engendre par ses correspondances une puissance irrésistible. Dans les manuscrits médiévaux, les retables ou les fresques, elle symbolise déjà les grandes passions de l’humanité. C’est l’une des couleurs les plus douées de vie.
Au milieu du XVIIIème siècle, le Canard Blanc de Oudry est une œuvre très audacieuse, sa réalisation quasi monochrome contribuant au silence définitif de l’animal. Oudry préfigure ainsi le goût romantique pour l’évanescence, puis la fascination des impressionnistes pour le manteau blanc neigeux du paysage et la disparition progressive du sujet en peinture. Au XXème siècle, l’usage du blanc accompagnera les grandes révolutions picturales.

Jean-Baptiste Oudry, Le Canard Blanc
Les premières formulations théoriques du monochrome remontent sans doute à la Bible quand les Egyptiens lancés à la poursuite des Hébreux sont engloutis par la Mer Rouge… Mais la première peinture monochrome apparaît en 1917 en Russie avec le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch et les trois Couleurs pures de Rodchenko (1921), deux gestes fondateurs.

Kasimir Malevitch : Composition suprématiste : carré blanc sur fond blanc (1918).
Au tournant du 19-20ème siècle, la généalogie luministe -de Turner à Delaunay- va infléchir le sens de la couleur sur la toile vers l’idée d’un éblouissement. De la représentation de cette lumière à l’indice de sa présence réelle, vont naître quantité d’œuvres, dont une grande partie dans les églises grâce à la reviviscence de l’art du vitrail après la guerre 39-45.

Joseph Mallord William Turner, Musique à Petworth, (1835), huile sur toile, 121 × 90,5 cm, Tate Gallery
Une promenade dans l’histoire de la peinture moderne, où nous aborderons la peinture par le filtre de la couleur. De Matisse à Rothko, celle-ci va gagner une autonomie toujours plus grande, jusqu’à l’exposition de sa propre intensité dans les toiles américaines des années 50.